Conseils Agricoles
LE BIOCHAR : Une pratique pour augmenter la qualité des sols et leur productivité face aux changements climatiques
LE BIOCHAR
Une pratique pour augmenter la qualité des sols et leur productivité face aux changements climatiques
DESCRIPTION
Le biochar ou « bio-charcoal » est un charbon obtenu artificiellement, d’origine biologique. Composé à plus de 60 % de carbone, le biochar s’obtient par pyrolyse1 ou carbonisation (avec peu ou pas d’oxygène) de matières organiques diverses (résidus agricoles, fumier, résidus d’exploitation forestière, etc.). Sa composition n’est pas précisément définie car elle dépend de la nature de la biomasse utilisée et du processus de pyrolyse. Cette pratique ne doit pas être confondue avec le charbon de bois.
Les biochars par leur forte porosité contribuent à diminuer la compaction du sol. Ils agissent ainsi comme une « éponge » qui va diffuser de l’eau si le sol est sec ou en absorber lorsque le sol est détrempé. De fait, les biochars permettent d’augmenter jusqu’à +18 % la capacité de rétention en eau des sols sableux et de mieux drainer les surplus en eau pour les sols argileux. Les biochars sont également caractérisés par une forte capacité d’échange cationique (CEC) et par un pH basique, ce qui permet d’améliorer significativement le potentiel de rétention des nutriments dans les sols dégradés (+50 % d’échanges cationiques) et de diminuer significativement le lessivage des nutriments, ceci à la fois pour des sols tempérés, mais également pour des sols tropicaux très dégradés. De plus, les biochars en conservant tout ou partie des éléments minéraux de la biomasse d’origine (N, P, K, S) constituent une source stable pour la nutrition minérale des plantes à long terme. Ainsi la diminution du lessivage des nutriments permise par un amendement de biochar apparait comme une solution permettant de diminuer l’impact des agrosystèmes sur la qualité de la ressource en eau, mais également la dépendance de l’agriculture envers les engrais minéraux. Enfin, les biochars fourniraient un environnement propice au développement de microorganismes (+40 % de champignons de mycorhize ; augmentation de la biomasse microbienne ; augmentation de la biomasse de la microflore totale du sol), nécessaires au bon fonctionnement des sols.
PRODUCTION ET UTILISATION DU BIOCHAR
ÉTAPE 1 // COLLECTE DE LA BIOMASSE : Il s’agir de collecter de la biomasse végétale, notamment les résidus de culture (rachis de maïs et des tiges de cotonnier, pailles de riz, etc.).
ÉTAPE 2 // COMBUSTION PAR PYROLYSE : Remplir le four à pyrolyse par la biomasse retenue, utiliser des déchets solides inflammables (feuilles sèches, brindilles, …) pour allumer le feu, fermer le four à l’aide de l’entonnoir et de la cheminée (le dégagement de la fumée bleue par la cheminée est un signe de la bonne combustion), attendre 20 à 40 minutes en fonction du type de la biomasse (la fumée noire s’échappant du fond du four est un signal de la fin de la combustion).
ÉTAPE 3 // RÉCUPÉRATION DU BIOCHAR : Creuser un trou pour récupérer le biochar, renverser le biochar dans le trou en utilisant les marches en bois, refermer le tout pour arrêter la combustion et atteindre 20 à 30 minutes avant de récupérer le biochar, à défaut du trou, le biochar une fois renverser, peut être arrosé avec de l’eau ou du sable pour arrêter la combustion.
ÉTAPE 4 // CONSERVATION / STOCKAGE DU BIOCHAR : Le biochar une fois produit devrait être émiettés et stocké dans des sacs avant utilisation. Pour ce faire, deux possibilités existent : utiliser une égreneuse de maïs ou d’un moulin pour écraser le biochar en poudre, manuellement par battage en remplissant les sacs avec du biochar arroser d’eau pour éviter le dégagement de la poussière issue de battage.
ÉTAPE 5 // APPLICATION DU BIOCHAR : La poudre obtenue est appliquée au sol en fonction du type de culture et de la superficie. En cultures maraîchères (petites superficies), la dose d’applications est d’au moins 20 t/ha ; En cultures pluviales (grandes superficies) : coton, maïs, riz, etc., appliquer au moins 5 t/ha.
CONTRAINTES D’APPLICATION / INCONVÉNIENTS
- Le faible rendement à la production artisanale du biochar. Exemple : 100 kg de rachis de maïs produit 15 à 20 kg de biochar (contexte du Burkina Faso/ProSol-GIZ, 2020).
- L’absence de modus operandi clair pour garantir son efficacité agronomique.
- L’utilisation d’un biochar ayant un pH trop élevé sera limitante pour le développement de nouveaux substrats horticoles, l’augmentation de pH des substrats de culture pouvant nuire au développement des plantes. Par ailleurs, il a été démontré que des taux d’application élevés de biochar (> 67 t/ ha) (produit à partir de litière de volaille) avaient un effet négatif sur les taux de survie des vers de terre, peut-être en raison de l’augmentation du pH ou des niveaux de sel.
- Le risque d’écoulement, d’érosion éolienne et de lessivage par la pluie du biochar végétal de faible poids volumique et souvent poussiéreux doit faire l’objet d’une grande attention lors de son utilisation en plein champ. En ce qui concerne la méthode d’application, il est important d’être prudent lors de la manipulation du biochar sec car il est très poussiéreux et ne doit pas être répandu dans des conditions venteuses.
- Il est important de souligner que le biochar ne peut pas se substituer entièrement aux autres matières organiques qui retournent au sol : tandis qu’un recyclage biologique progressif des nutriments a lieu au cours de la décomposition d’un résidu de culture ou d’un engrais organique, le biochar ne se décompose pratiquement pas.
- L’enlèvement des résidus de culture pour les utiliser comme matière première pour la production de biochar peut empêcher l’incorporation des résidus de culture dans le sol, ce qui peut entraîner de multiples effets négatifs sur les sols.
- L’introduction de biochar au sol entraîne un apport direct en nutriments, contenus dans la cendre, lors de son application. Par la suite, il n’y aura pas ou pratiquement pas de minéralisation. On ne peut donc pas attendre d’un biochar qu’il stimule l’activité biologique à moyen ou long terme. Par conséquent, l’utilisation la plus prometteuse du biochar est sans doute de l’associer avec de la matière organique réactive et riche en azote, par exemple des fumiers qui seront préalablement co-compostés avec le biochar.
- Il est important de comprendre les interactions entre le biochar et les communautés microbiennes du sol, qui peuvent affecter de manière critique la libération de CH4 et de N2O du sol, notamment les cycles biogéochimiques des nutriments inclus. Les futures recherches devraient se concentrer sur les interactions entre le biochar, le sol, les microbes et les racines des plantes après son application dans le sol.
CONTRIBUTION À L’ADAPTATION
EFFETS / IMPACTS AGRONOMIQUES :
• Améliore le pH du sol à faible coût.
• Augmente la capacité de rétention des éléments minéraux et la disponibilité du phosphore dans le sol.
• Stimule et augmente l’activité microbienne du sol.
• Améliore la porosité et participe à l’épuration du sol.
• Augmente la rétention en eau du sol1.
• Accroit le rendement.
EFFETS / IMPACTS ÉCOLOGIQUES
• Contribue à l’atténuation des émissions de CO2, NH4 et N2O ;
• Évite la combustion en plein air de résidus agricoles traditionnellement pratiquée dans les pays du sud, ce qui permet de réduire les émissions et la pollution de l’air
• Diminue les émissions de N2O et de méthane dans les sols hydromorphes (rizières de bas-fonds).
• Favorise l’interception de contaminants.
EFFETS/IMPACTS SOCIO-ÉCONOMIQUES (EMPLOIS, REVENUS DES MÉNAGES, PÉNIBILITÉ DES TRAVAUX DES FEMMES, OHÉSION SOCIALE, FONCIER, AUTRES)
• Augmentation des revenus agricoles : l'application du biochar obtenu à partir de fumier de bétail sur un sol sablonneux avec une dose de 15 et 20 t/ha peut augmenter le rendement en grains de maïs de 150% et 98%.
• Amélioration de la sécurité alimentaire par le gain des rendements des cultures.
• Commercialisation des surplus de récoltes permettant d’améliorer les conditions de vie des ménages (scolarisation des enfants, soins médicaux, etc.).
• Affranchissement de l'achat des intrants chimiques (NPK).
• Larges avantages sociaux liés à la santé peuvent être attribués au potentiel du biochar pour l'assainissement et la décontamination des sols en métaux lourds (toxicité aluminique).
• La valeur économique de l’application du biochar pour les producteurs, incluant potentiellement l’obtention de crédits carbone, reste à établir.
NIVEAU D’ADOPTION DE LA TECHNIQUE
• La fabrication de biochar est une pratique bien diffusée en Afrique de l’Ouest et relativement bien documentée.
CONTRIBUTION À L’ATTÉNUATION
Au-delà du carbone piégé dans le biochar lui-même et qui peut persister dans les sols sur de longues périodes, le biochar offre également de nombreux autres avantages potentiels, qui permettent de limiter les émissions de gaz à effet de serre ou d’accroitre la séquestration de carbone.
- Pression moindre sur les forêts et maintien des stocks de carbone existants, tout en évitant les émissions de CH4 dues à la production traditionnelle de charbon de bois ;
- Amélioration de la vie microbienne du sol et fertilité du sol : le biochar peut améliorer la fertilité des sols, stimulant ainsi la croissance des plantes, qui captent alors plus de CO2 dans un effet de rétroaction positif.
- Réduction des émissions provenant des matières premières : la conversion des déchets agricoles et forestiers en biochar peut éviter les émissions de CO2, N2O et CH4 autrement générées par la décomposition naturelle ou la combustion des résidus agricoles traditionnellement pratiquée dans les pays du sud.
- Réduction des apports d’engrais : le biochar peut réduire le besoin d’engrais chimiques, ce qui entraîne une réduction des émissions de gaz à effet de serre provenant de la fabrication des engrais.
- Production d’énergie : l’énergie thermique - ainsi que les bio-huiles et les gaz de synthèse - générée lors de la production de biochar peut être utilisée pour remplacer l’énergie positive en carbone provenant des combustibles fossiles.
Source : ECLOSIO Bénin // www.eclosio.ong // Contact : Sophie.pascal@eclosio.ong
CEDEAO, CILSS, FICHE TECHNIQUE LES BONNES PRATIQUES D’AGRICULTURE INTELLIGENTE FACE AU CLIMAT ET D’AGROÉCOLOGIE : LE BIOCHAR, UNE PRATIQUE POUR AUGMENTER LA QUALITÉ DES SOLS ET LEUR PRODUCTIVITÉ FACE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES